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Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la rencontre d’Elisa Jolivet et de Léa Guezais ne s’est pas déroulée dans les couloirs d’une agence spatiale, mais au sein de l’incubateur La Fabrik – Sup de Pub. Ensemble, elles ont lancé Hapaulo, première plateforme qui propose des services de baby-sitting et d’accompagnement à domicile pour les enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap.
Un petit pas pour Léa
Léa passe son enfance en Normandie, plus précisément à St-Lô, avant de partir à Rennes pour ses études. Portée par son rêve de devenir comédienne, elle décroche une Licence en art du spectacle. C’est dans ce cadre qu’elle organise la troisième édition du festival Scen’art en court, qui éveille son goût pour l’événementiel et l’entrepreneuriat.
Elle décide alors de prendre la direction de Paris, où elle s’engage dans un Bachelor. Elle enchaîne avec un M1 Manager des stratégies de communication marketing spécialisé dans le digital, puis découvre le M2 Communication responsable, développement durable et RSE à Sup de Pub, qui résonne profondément en elle :
« Je voulais faire de la communication porteuse de sens, pas simplement vendre des produits. J’ai pu monter un projet professionnel avec trois amis, axé sur la différence et l’acceptation du handicap », se souvient-elle. Il n’en fallait pas plus pour confirmer sa fibre entrepreneuriale. La jeune femme prend la décision de se faire incuber.
Jeune femme dynamique, profil artistique
Léa aime la musique, la danse, le cinéma et le théâtre. Petite fille, elle rêvait d’ailleurs de faire carrière sur les planches, d’offrir aux spectateurs un moment hors du temps.
« J’ai besoin de challenges dans ma vie. Contrairement au cinéma, où on peut rejouer une scène plusieurs fois, le théâtre est un saut dans le vide, il n’y a pas de parachute », souligne-t-elle.
Depuis son plus jeune âge, elle ressent le besoin d’aider les autres et de préserver le vivant. Elle déborde d’un amour inconditionnel pour les animaux :
« Si je devais envisager une autre voie, je m’orienterais vers la protection animale. Je rêverais d’être soigneuse dans une réserve naturelle en Afrique », confie-t-elle.
Aujourd’hui, en plus d’être aux commandes d’Hapaulo aux côtés d’Elisa, Léa est formatrice au sein de plusieurs écoles du groupe OMNES Education, et partage son expérience en tant que coordinatrice au sein de La Fabrik-Sup de Pub.
Un grand pas pour Elisa
Elisa commence ses études par deux années de droit. Bien qu’elle apprécie les enseignements, elle réalise qu’en faisant de la communication, elle s’épanouira davantage encore. Alors, elle prend la décision de s’inscrire à Sup de Pub et poursuit toutes ses études supérieures au sein de cette école.
« J’ai fait deux alternances, d’abord chez Publicis Conseil, puis chez Carré Noir, ce qui m’a permis de découvrir le monde en agence de pub », note-t-elle.
Après une Licence basée sur la stratégie de marque, elle se lance dans un Master orienté marketing digital et e-commerce, avec l’idée d’étoffer ses compétences.
« Mes dernières années d’études ont coïncidé avec la crise du Covid. En tant qu’étudiants, on était assez isolés. De façon générale, et pour tout le monde, c’était une période où la quête de sens était exacerbée », constate-t-elle.
L’idée d’Hapaulo commence doucement à germer. Elisa soumet l’idée à ses collègues de promotion de l’époque.
« Au départ, j’ai douté de moi. Quand je faisais mes recherches, j’étais tellement abasourdie que le baby-sitting pour les enfants en situation de handicap n’existe pas, que j’ai pensé avoir mal effectué mes recherches », avoue-t-elle.
Les deux fondatrices découvriront plus tard les raisons d’une telle absence…
Jeune femme sociable, profil empathique
Tout comme Léa, Elisa est animée par la volonté d’aider les autres. Petite fille, elle voulait devenir chercheuse pour tout comprendre des mystères de la génétique.
« Mon petit frère est porteur de la trisomie 21, et je n’ai jamais souhaité qu’il en soit autrement. C’est la personne que j’aime le plus au monde. J’ai toujours été très fière de lui. Mais, à l’époque, je me rendais bien compte que ce n’était pas facile pour nos parents », explique-t-elle.
Pendant ses études, Elisa évoque la trisomie à plusieurs reprises, notamment lors d’un séminaire de parole. L’occasion pour elle de partager pour la première fois l’attaque à laquelle elle a été confrontée au sujet du handicap de son frère ” Si ton frère est trisomique, c’est de ta faute”.
« Ce fut un des plus beaux moments de ma vie. J’avais fabriqué un faux livre, intitulé “Un sourire suffit”, à partir d’un ouvrage de Kundera enveloppé d’une couverture à l’effigie de mon frère. La chute de l’histoire, c’était que cette petite fille, c’est moi », raconte-t-elle.
De nombreux membres de l’assemblée, bouleversés, sont venus la voir à la fin de la prestation pour lui demander où acheter le livre. « Les enseignants m’ont encouragée à écrire cette histoire. C’est toujours dans un coin de ma tête », ajoute-t-elle. Un moment lunaire.
En attendant de peut-être découvrir le livre d’Elisa en librairie, suivons le lancement d’Hapaulo !
La rencontre
Lionel Steve, fondateur de l’incubateur de projets « for good », encourage Elisa à concrétiser son idée de baby-sitting pour enfants et jeunes adultes en situation de handicap. La Fabrik offre, en effet, l’opportunité d’être guidé par des personnes ayant une expertise et l’expérience de la création d’entreprise.
« En arrivant, on a tous des lacunes, sur le plan juridique, sur le plan comptable, ou sur la vision stratégique globale. C’est rassurant d’avoir des gens autour qui sont réellement passés par l’entrepreneuriat. Évidemment, au sein de l’incubateur, personne ne nous dit ce que l’on doit faire. En revanche, on est entourés de personnes qui donnent des conseils, et poussent à se questionner », explique Léa.
Alors, sans vraiment avoir conscience de ce qui l’attendait, Elisa intègre l’incubateur : « Toute la beauté de ce projet vient aussi de la naïveté dont j’ai fait preuve. Contrairement à Léa, je n’avais pas la fibre entrepreneuriale. En revanche, tout comme elle, je m’étais fait la promesse de ne pas travailler dans le monde du handicap », sourit-elle.
Rapidement, Elisa réalise que son équipe ne pourra pas poursuivre l’aventure avec elle. Ses partenaires ont décroché des CDI et ont moins de temps à consacrer à Hapaulo. Elle a besoin de quelqu’un d’aussi engagée qu’elle. Ce qui ne va pas tomber dans l’oreille d’une sourde !
Léa évolue dans les mêmes locaux, seule pour monter son projet. Souvent assises l’une en face de l’autre, les jeunes femmes discutent et se rapprochent. Le projet d’Elisa trouve un écho particulier chez Léa. En effet, tandis que le petit frère d’Elisa possède un chromosome en plus, la grande sœur de Léa souffre d’une déficience pulmonaire et cardiaque.
« Au départ, je pensais me tourner vers un profil plutôt école de commerce pour éviter de travailler avec mon double. Et puis j’ai réalisé que Léa a un côté business que je n’ai pas, qu’elle adore les chiffres et que faire des tableaux Excel la détend », constate Elisa.
Ces deux sœurs, réunies par le hasard de la vie, décident de monter dans le même vaisseau afin de créer quelque chose qui a du sens pour elles, mais surtout pour les autres.
Décollage imminent
Nom de la mission : Hapaulo, “ha” pour handicap et Paulo comme le surnom du petit frère d’Elisa. Objectif de la mission : faciliter la mise en relation de familles avec des intervenants adaptés.
Elisa et Léa souhaitent répondre aux besoins spécifiques des enfants en situation de handicap, en recrutant des accompagnants diplômés dans les domaines du médico-social, de la petite enfance et de l’activité adaptée. A sa sortie, le site vitrine rencontre un grand succès auprès des familles en quête de moments de répit bien mérités. Mais le vaisseau subit une perte de vitesse lorsque les deux entrepreneures découvrent que la réglementation oblige à séparer les domaines d’intervention :
« Ce qui est compliqué, c’est le vide juridique. Actuellement, il est impossible de réunir sur la même plateforme ceux qui œuvrent dans les services à la personne et ceux qui travaillent dans le médico-social. Concrètement, on ne peut pas proposer un éducateur spécialisé et une auxiliaire à domicile. Il nous faudrait rencontrer physiquement tous les accompagnants pour les recruter et ce, dans tous les départements, ce qui est contre productif et incompatible avec un service digital », expliquent les créatrices.
Hors de question d’abandonner. Les familles préinscrites sont derrière elles. Les deux fondatrices d’Hapaulo partent donc en campagne de lobbying, bien décidées à se faire entendre. Un post sur Linkedin intitulé « Que doit-on faire pour se faire entendre par le gouvernement ? Faire la grève de la faim ? » fait un carton et attire l’attention d’une élue. Transformées en guerrières, Elisa et Léa remuent ciel et terre pour qu’on continue à parler de leur projet.
Aux dernières nouvelles, les deux jeunes femmes ont presque réussi à toucher les étoiles, alors croisons les doigts pour qu’Hapaulo puisse mettre sa plateforme en orbite rapidement.
En arrivant, on a tous des lacunes, sur le plan juridique, sur le plan comptable, ou sur la vision stratégique globale. C’est rassurant d’avoir des gens autour qui sont réellement passés par l’entrepreneuriat. Évidemment, au sein de l’incubateur, personne ne nous dit ce que l’on doit faire. En revanche, on est entourés de personnes qui donnent des conseils, et poussent à se questionner
Elisa JOLIVET & Léa GUEZAIS
Alumni Sup de Pub